Généralités : La maladie des anticorps anti-membrane basale glomérulaire

Généralités
Description de la pathologie
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    Résumé par le Dr Claire CARTERY et le Dr Thomas QUEMENEUR (Décembre 2019) Service de Médecine Interne, CH Valenciennes

    Définition

    La maladie des anticorps anti-membrane basale glomérulaire (anti-MBG) est une pathologie auto-immune, au cours de laquelle sont produits des anticorps dirigés contre un antigène présent dans la membrane basale rénale et pulmonaire. Aussi appelée maladie de Goodpasture, cette maladie associe classiquement une atteinte rénale et une atteinte pulmonaire.

    Épidémiologie

    L’incidence de cette maladie est faible, avec moins d’un cas par million d’habitants. La maladie de Goodpasture ne représente que moins de 3% des biopsies rénales.

    Il existe des pics géographiques et temporels, suggérant des facteurs environnementaux.

    La présentation varie en fonction de l’âge avec deux pics d’incidence : avant 30 ans et après 50 ans. Après 50 ans, l’atteinte rénale est le plus souvent isolée. Avant 30 ans, les patients ont souvent une atteinte pulmonaire.

    Physiopathologie

    La cible des anticorps anti-MBG est classiquement le domaine NC1 de la chaîne α3 du collagène IV mais il peut s’agir d’autres chaînes α, notamment la chaîne α 5. L’antigène cible est présent dans la membrane basale glomérulaire rénale et dans les alvéoles pulmonaires. Le caractère pathogène de ces anticorps a été prouvé dans des travaux expérimentaux où les anticorps de patients atteints de la maladie associée aux anticorps anti-MBG provoquaient une glomérulonéphrite par simple transfert passif chez des animaux. Chez l’homme, l’épuration rapide des auto-anticorps circulants par les échanges plasmatiques est associée à un meilleur pronostic et la présence d’anti-GBM lors d’une transplantation est à l’origine de récidives précoces de la maladie sur le greffon rénal. Le degré de pathogénicité varie selon le titre et l’affinité des anticorps. Ainsi, la sévérité de la maladie est variable et des individus sains peuvent être porteurs de ces anticorps.

    Les lymphocytes T auto-réactifs sont également impliqués dans le développement de la maladie. Il existe une susceptibilité génétique, les patients HLA-DR15 et DR4 étant à plus haut risque.

    Clinique

    L’atteinte rénale est quasi systématique. Elle se caractérise par un tableau de glomérulonéphrite rapidement progressive responsable d’une insuffisance rénale aigue, d’une protéinurie non néphrotique et d’une hématurie. En l’absence de traitement, le patient évolue rapidement vers l’insuffisance rénale terminale et donc la dialyse.

    L’atteinte pulmonaire est présente dans 40 à 60% des cas. L’hémorragie intra-alvéolaire peut se manifester par une dyspnée, une toux, une hémoptysie. La radio ou le scanner pulmonaire montrent un infiltrat pulmonaire. Des facteurs favorisent la survenue d’une atteinte pulmonaire : le tabac, les infections,  l’utilisation de cocaïne et l’exposition aux hydrocarbones.

    Des signes généraux peuvent être associés : asthénie, amaigrissement, fièvre, arthralgies. Ces signes suggèrent une vascularite associée.

    Des cas de maladie des anticorps anti-MBG atypique ont été décrits. L’atteinte rénale chez ces patients est moins sévère. L’atteinte pulmonaire est alors absente.

    Biologie

    La biopsie rénale doit réalisée systématiquement, sauf contre-indication, pour confirmer le diagnostic. Elle a par ailleurs un intérêt pronostique et aide à guider le traitement. L’examen en microscopie optique montre une glomérulonéphrite extra-capillaire avec présence diffuse de croissants, volontiers de même âge. En immunofluorescence, on observe une fixation linéaire des immunoglobulines G (IgG) le long de la membrane basale glomérulaire.

    La détection des anticorps anti MBG peut être faite par immunofluorescence indirecte ou technique ELISA. La sensibilité pour la détection des anticorps varie de 63 à 100 %. Le titre d’anticorps est associé à la sévérité de la maladie. Des faux négatifs sont rapportés en cas de taux faible d’anticorps ou dans la néphrite à anti-MBG atypique. Un test de Western Blot peut être réalisé pour confirmer le diagnostic.

    Les anticorps anti-MBG peuvent être associés à des anticorps anti-cytoplasme des polynucléaires (ANCA) dans 10 à 50% des cas. Ces patients ont souvent des signes de vascularite associée. Le pronostic est le même que chez les patients n’ayant pas d’ANCA.

    Traitement et évolution

    Le pronostic en l’absence de traitement est très mauvais, avec une évolution vers la dialyse ou le décès dans plus de 90% des cas. Le pronostic vital et rénal a fortement progressé depuis l’usage des traitements immunosuppresseurs et des échanges plasmatiques, avec une survie rénale qui a doublé entre avant 2007 et après 2007.

    La rapidité du diagnostic est capitale pour le pronostic, en permettant la mise en œuvre rapide des mesures thérapeutiques. Le traitement permet d’éviter l’évolution vers la dialyse chez 40 à 45% des patients.

    Le pourcentage de glomérules normaux et l’oligoanurie sont les meilleurs facteurs pronostics rénaux.

    Le traitement n’a que peu d’impact positif chez les patients hémodialysés d’emblée ou ayant 100% des glomérules à croissants. En cas de recours immédiat à la dialyse et de biopsie montrant 100% des glomérules atteints de croissants, les chances de sortie de dialyse sont seulement de 8% à un an.

    Le traitement est donc indiqué en cas d’hémorragie intra-alvéolaire, d’atteinte rénale non dialysée. Le traitement des patients ayant une maladie atypique peu sévère ou des malades dialysés d’emblée n’est pas codifié, mais le traitement classique peut être utilisé.

    Deux phases de traitement sont recommandées : une phase d’attaque et une phase d’entretien.

    Le traitement d’attaque de la maladie à anticorps anti-MBG repose sur les échanges plasmatiques associés à une corticothérapie et au cyclophosphamide. Les échanges plasmatiques permettent d’extraire du sang les anticorps anti-MBG et certains médiateurs de l’inflammation et ont donc un effet immédiat. Le traitement immunosuppresseur permet d’empêcher la formation de nouveaux anticorps anti-MBG, avec un effet sur le long terme.

    Les échanges plasmatiques sont réalisés quotidiennement ou un jour sur deux, pendant deux à trois semaines. Les échanges plasmatiques de 4 litres sont faits avec de l’albumine, ou du plasma frais en cas de saignement ou de biopsie récente.

    La corticothérapie comprend trois bolus intraveineux, suivis d’une corticothérapie orale à la dose de 1 mg/kg/jour.

    Le cyclophosphamide est habituellement prescrit par voie orale à la dose de 2 mg/kg/jour, peut également être utilisé par voie intra-veineuse. Il est poursuivi pendant deux à quatre mois. L’utilisation d’autres immunosuppresseurs (rituximab, mycophenolate mofetil) a été plus rarement rapportée. Enfin, d’autres traitements sont à l’essai : immuno-adsorption, IDES.

    La surveillance de l’efficacité du traitement d’attaque repose sur le dosage régulier des anticorps anti-MBG. Le dosage doit être réalisé toutes les semaines initialement, jusqu’à négativation. Cette négativation a lieu en général après deux ou trois semaines de traitement

    Au cours du traitement d’entretien, une fois que la rémission est obtenue, la corticothérapie est diminuée progressivement. La durée du traitement corticoïdes est de 9 à 12 mois.

    Lors de cette période, les anticorps sont dosés mensuellement pendant 6 mois. Les rechutes sont cependant rares. Toute suspicion de rechute doit conduire à un nouveau dosage. Si les anticorps restent présents à titre élevé, on peut proposer un traitement immunosuppresseur d’entretien reposant le plus souvent sur l’azathioprine ou mycophenolate mofetil.

    Le risque principal du traitement immunosuppresseur est la survenue d’infections. Un traitement préventif des infections opportunistes par trimethoprime-sulfamethoxazole est recommandé.

    Enfin, l’arrêt du tabac, facteur favorisant la maladie, est fortement conseillé.